Travaux de construction et défaut d'assurance

Publié le : 09/04/2022 09 avril avr. 04 2022

J’ai entrepris des travaux de rénovation/construction, mais je ne dispose pas de l’attestation d’assurance de l’entreprise que j’ai choisie.

Que faire ?
 

I – Les deux types d’assurance : décennale et responsabilité civile professionnelle

Différencions, tout d’abord, l’assurance de responsabilité décennale (A) de l’assurance de responsabilité civile professionnelle dite aussi contractuelle (B).

A – Assurance de responsabilité décennale

La première chose à connaître sont les deux types d’assurances qu’une entreprise peut/doit souscrire.

Lorsque des travaux de construction d’un ouvrage (art. 1792 du Code Civil) sont réalisés, le constructeur est tenu de s’assurer pour garantir les conséquences de sa responsabilité décennale (celle qui entre en jeu de plein droit lorsque des désordres affectent l’immeuble dans sa solidité, sa sécurité ou sa propriété à destination) : art. L 241-1 du Code des Assurances.

De plein droit signifie ici que la seule démonstration du désordre et du lien de causalité avec les travaux est nécessaire pour mettre en jeu la responsabilité de l’entreprise.

Il sera rappelé ici qu’il est justifié du respect de cette obligation d’assurance par l’adjonction, aux devis et factures, d’attestations d’assurance (selon le modèle de l’article R 243-3 du même code).

A titre d’incise, il conviendra de se reporter aux dispositions du Code de la Consommation qui prévoient les mentions obligatoires des documents contractuels lorsque le client est un consommateur (ou non professionnel).

Cette obligation d’assurance est sanctionnée par un emprisonnement de six mois maximum et une amende de 75.000 € maximum, selon les prescriptions de l’article L 243-3 du même code.

Le deuxième alinéa de cet article prévoit que la personne qui construit un logement pour elle-même ou pour le faire occuper par ses proches (voir le texte), n’est pas soumise à l’obligation d’assurance décennale.

Cependant, lorsque l’on organise de lourds travaux de rénovation puis que l’on revend l’appartement, l’on est tenu au titre de sa responsabilité décennale en cas de désordres éponymes. (3e Civ. 3 mars 2010, 09-11.282, Bul. Civ. III 55)

Un autre type d’assurance peut être souscrit par l’entreprise de manière facultative.

B – Assurance de responsabilité civile professionnelle

Il s’agit de l’assurance dite de responsabilité contractuelle ou professionnelle, autrement appelée : « assurance responsabilité civile professionnelle (règlement de copropriété) » / « assurance responsabilité contractuelle ».

Elle a vocation à garantir les conséquences de la ou des fautes commises par l’entreprise en lien direct de causalité avec les désordres survenus (désordres qui ne doivent pas avoir le caractère de désordres décennaux).

Elle joue pendant le chantier, et après la réception en cas de faute prouvée (mais, là encore, la faute prouvée ne permettra pas de mettre en jeu la responsabilité civile professionnelle de l’entreprise si les désordres ont le caractère de désordres décennaux : 3e Civ. 12 novembre 2020, 19-22376, en cours de publication)

Alors, en cas d’absence, que faire ?

II – Que faire en cas d’absence d’attestation…

En cas d’absence d’assurance décennale (A) ou de responsabilité civile professionnelle (B), voici les éléments que l’on peut mettre en exergue.

A - …d’assurance décennale ?

Le défaut d’assurance décennale entraîne la conséquence évidente suivante : si vous subissez des désordres décennaux (donc particulièrement grave), vous ne disposerez que d’un payeur pour éventuellement obtenir réparation : l’entreprise.

Lorsque les sommes dues se comptent en dizaines, voire parfois, centaines de milliers d’euros, peu d’entreprises peuvent faire face à une telle condamnation.

Le client se retrouve donc sans recours et doit assumer seul le coût des reprises (et autres préjudices).

Et encore, les conséquences de désordres décennaux peuvent aussi ressortir sur les tiers. Et, en tant que maître d’ouvrage, vous serez responsable des troubles que vous causez du fait de votre chantier… (3e Civ. 2 juin 2015, 14-11149, Inédit)

L’assurance de responsabilité décennale légalement obligatoire paraît donc, clairement, indispensable.

Dès lors, si vous n’avez pas encore débuté le chantier, il est toujours temps de solliciter la production de l’attestation d’assurance de votre entreprise.

Soyez attentifs aux mentions suivantes : date d’effet du contrat d’assurance, période de garantie, activités garanties.

En cours de chantier, il est nécessaire de solliciter l’attestation d’assurance à jour de l’entreprise (lorsque le chantier dépasse la durée mentionnée sur l’attestation d’assurance initialement fournie).

Si le chantier a déjà commencé, mais que vous ne disposez pas de l’attestation d’assurance, soit vous ne l’avez pas demandée et il faut le faire, soit vous ne l’avez pas obtenue.

Dans ce cas, il paraît impensable de poursuivre le chantier avec cette entreprise. Il convient donc de la mettre en demeure de justifier de son assurance à peine de résiliation judiciaire du contrat (ou application de la clause résolutoire du contrat, si une telle clause est prévue dans un tel cas).

Votre avocat est là pour vous accompagner dans cette situation et rédiger la lettre de mise en demeure, puis assurer le suivi, et éventuellement engager une procédure si cela s’avère nécessaire.

En somme : pas d’assurance décennale, pas de chantier.

Et maintenant, qu’en est-il de l’absence d’assurance RCP ?

B - …d’assurance responsabilité civile professionnelle dite « RCP » ?

Comme il a été vu plus haut, l’assurance RCP n’est pas obligatoire.

De nombreuses entreprises ne la souscrivent pas pour des raisons de coût, ou encore de méconnaissance.

Si l’entreprise n’en a pas ou ne vous a pas fourni son attestation, que faire ?

Lui demander, en premier lieu.

Si elle n’en a pas, que c’est une condition essentielle pour vous et que le contrat signé prévoit une telle assurance, dès lors, la résiliation judiciaire est tout à fait envisageable, pour faute et aux torts exclusifs de l’entreprise (une clause résolutoire contenue dans le contrat est aussi envisageable).

En revanche, si votre contrat ne prévoit pas une telle obligation, et que vous n’êtes pas en mesure de prouver que vous en avez fait de l’assurance RCP un élément déterminant de votre consentement au contrat, la situation ne pourra faire l’objet d’une procédure en résiliation judiciaire sur ce seul motif.

A mon sens, pour prendre la décision adéquate (poursuivre le chantier, l’arrêter, autre voie…), il convient d’apprécier les risques que vous prenez à laisser réaliser les travaux sans assurance (étant encore une fois précisé que la garantie ne pourra être mise en jeu que si la faute de l’entreprise est prouvée et que cette faute est en lien de causalité directe avec les désordres et préjudices dont vous vous plaignez).

D’un point de vue pécuniaire, la question peut être posée ainsi : quel est le risque pécuniaire maximum que je prends si les travaux engendrent des désordres, et que je dois les faire reprendre ?

La réponse n’est pas nécessairement le prix que vous avez payé pour le chantier. Certaines conséquences génèrent des coûts bien supérieurs à ceux initialement engagés (c’est pourquoi, en secteur protégé ou secteur habitation, l’assurance de responsabilité décennale ne peut pas prévoir de plafond d’indemnisation).

En outre, les entreprises rechignent souvent à intervenir sur des travaux commencés par d’autres (pour des raisons assurantielles notamment, mais encore parce qu’elle n’ont pas toujours la possibilité de déterminer précisément ce qui a été fait et doit faire l’objet de reprises…).

Il convient donc de bien appréhender votre situation, ses risques et éventuellement vous faire accompagner par un professionnel pour y voir plus clair.

Me Nicolas BOUTTIER se tient à votre disposition dans cette optique.

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